Les grandes étapes du parcours de soins de l’anorexie mentale

Tout d’abord, et surtout de la petite enfance aux portes de l’âge adulte, il est important de ne pas oublier que l’anorexie mentale survient dans le cadre du développement d’un individu. Ces deux processus, consubstantiels et évolutifs, sont intriqués et indissociables de sorte à replacer l’un dans la perspective de l’autre et inversement. D’aucuns peuvent ainsi se demander si anorexie mentale est une maladie développementale ou une maladie du développement.

 

Qui dit développement, dit temporalité. Que faut-il entendre par là ?

Qu’à la chronologie des symptômes, il convient de répondre par la temporalité des soins. En effet, au-delà de la diversité des soins disponibles, il semble important de hiérarchiser leur recours tant au plan du nombre que du moment où il s’agit de les mettre en œuvre.

Par exemple, face aux deux grands risques encourus par les jeunes filles présentant une anorexie mentale, à savoir le risque vital et la chronicisation des troubles, nous percevons bien alors la nécessité de la précocité de la prise en charge, qui plus est à l’adolescence, associée à une organisation des soins adaptée qui permette une résolution rapide et complète des troubles.

Qui dit organisation des soins et temporalité, dit niveaux et réseaux. C’est à dire ?

Bien que les stratégies de soins doivent être adaptées en fonction des périodes du développement au cours desquelles survient l’anorexie mentale (petite enfance, enfance, adolescence, âge adulte), il n’en demeure pas moins que certaines lignes de force sont communes au différents programmes de soins a commencer par l’organisation en niveaux et en réseaux des soins. Nous développerons à loisir ces deux facettes des soins par la suite.

Schématiquement, l’organisation en niveaux (1, 2 et 3) renvoie plus particulièrement à trois niveaux allant des soins les plus ambulatoires vers les soins les plus hospitaliers. Le schéma, déclinaison à l’enfance et l’adolescence, synthétise cette organisation. Le principe et de mobiliser le juste niveau de soins en fonction de l’intensité et de l’ancienneté des symptômes en présence.

Pour cela, il est essentiel de pouvoir disposer d’un réseau de soignants de proximité qui lui-même peut s’appuyer sur un réseau territorial, qui à son tour peut trouver des ressources auprès d’un réseau régional. Une des vocations du réseau régional troubles des conduites alimentaires Poitou-Charentes est justement d’aider à la création et à l’animation des différents réseaux au niveau tant des cinq territoires de santé de la région qu’au plus près des différents professionnels de santé.
Passé ce préambule introductif, nous distinguerons schématiquement quatre grandes déclinaisons des soins correspondant à la petite enfance, à l’enfance, à l’adolescence et à l’âge adulte.

S’agissant de la petite enfance et des tableaux d’anorexie survenant chez l’enfant de moins de trois ans, pour Guedeney et Le Foll, un grand nombre de ces situations sont accessibles à la prévention : une aide à l’allaitement par exemple qui n’a rien d’évident pour la première fois et qui peut être clairement précieuse chez le prématuré et le bébé ayant un petit poids de naissance. La guide dense développementale permet d’aider les parents anticiper les difficultés normales et les mini-crises du développement. Le développement d’un bon comportement alimentaire suppose de laisser le jeune enfant mangea son rythme, sans le forcer mais aussi sur laxisme excessif c’est-à-dire en lui donnant un cadre. L’alimentation est un point essentiel de transmission du parent à l’enfant : on transmet le plaisir d’être ensemble de manger ensemble, une cuisine qui est celle de la famille et de sa culture. Selon les causes de trouble on s’orientera vers une thérapie parents – enfants, une thérapie dirigée sur l’enfant, comportementale, ou des entretiens avec les parents seuls. Visionner avec les parents une vidéo d’un repas ils ont réalisé est souvent une première étape de l’intervention.
Pour ce qui concerne l’enfance et plus particulièrement les tableaux d’anorexie pré-pubères, le repérage et l’ampleur de la mobilisation des soins sont d’autant plus importants que les conséquences développementales d’un tel trouble sont potentiellement non négligeable quant au devenir de la personne concernée. Pour Le Heuzey et Acquaviva, le traitement associe idéalement quatre types d’interventions : un suivi médical, un suivi nutritionnel, un suivi psychiatrique et une prise en charge familiale. Il est important tout comme dans les autre cas de figure de ne pas séparer les aspects physiologiques (les soins du corps) des aspects psychologiques. Dans l’idéal, les soins en ambulatoire sont recommandés, soit sous forme de consultations, soit en regroupant les interventions thérapeutiques dans le cadre d’une unité d’hospitalisation de jour. L’hospitalisation à temps plein reste exceptionnelle et relève potentiellement d’unités spécialisées disposant de programmes intégrés. Ramené à l’organisation en niveau, cela correspondrait à un niveau 3 régional voire national.
L’adolescence constitue une période à la fois charnière et critique du développement d’un individu et sans surprise, il s’agit de la période la plus propice à l’émergence de l’anorexie mentale (cf. Qui est concerné ?).

Les objectifs du soin sont complémentaires, multiples et le facteur temps est ici, plus particulièrement, un élément déterminant à intégrer à l’organisation des soins. Il va donc s’agir de :

  • Repérer dès que possible les signes pouvant suggérer le développement d’une anorexie (cf. les signes évocateurs de l’anorexie mentale) par l’intermédiaire des parents, des proches ou des professionnels scolaires ou de santé.
  • Consulter en première intention son médecin traitant (niveau 1a, cf. Exemples de parcours de soins des patient(e)s adultes souffrant d’anorexie) qui est souvent le médecin de famille, c’est à dire celui qui suit les différents membres de la famille et les enfants dès leurs premiers mois. Ce lien de confiance peut constituer un atout pour une prise en charge précoce.
  • Définir les objectifs et l’échéancier de ce premier niveau (niveau 1a), structurer les soins avec des professionnels potentiellement organisés en réseau de proximité et préparer le cas-échéant le relais en temps et en heure vers le niveau 1b ou 2 ou 3 selon les circonstances.
  • Mettre en place dans la mesure du possible des soins à destination de la famille.
  • S’assurer des articulations locales entre les niveaux 1 et 2 et au plan local et régional entre les niveaux 1, 2 et 3. Pour le formuler autrement, l’enjeu de ce dispositif en niveaux implique que chaque niveau puisse trouver un appui et un relais potentiel vers le niveau suivant. Il s’agit-là d’une des missions du réseau TCA Poitou-Charentes avec notamment la création et la mise à disposition du carto-annuaire.
  • S’assurer de la mise en œuvre concomitante des soins pour le corps (somatiques) et l’esprit (psychiques) et des échanges entre les différents professionnels impliqués.

Pour ce qui concerne l’hospitalisation à temps plein, dans la mesure du possible, l’orientation en première intention vers un service de pédiatrie ayant l’habitude de prendre en charge des patient(e)s anorexiques est préférable. Des modalités spécifiques de prise en charge sont alors mises en œuvre.

L’hospitalisation, également contractualisée, en service de pédopsychiatrie est à privilégier en deuxième intention dans la mesure du possible. Là aussi, des modalités spécifiques de prise en charge sont proposées et le cas échéant expliquées lors d’entretiens préalables de pré-admission.
A l’âge adulte, l’anorexie mentale évolue déjà souvent depuis plusieurs années voire une décennie et plus au moment de la prise en charge. Qui plus est, les bouleversements de l’adolescence sont de fait terminés. En outre, différents soins ont déjà été engagés et ont tout ou partie échoué à amender les symptômes.

La durée d’évolution des symptômes et le statut développemental représentent deux éléments importants à prendre en considération quant aux soins à engager. L’empreinte des symptômes sur le fonctionnement du patient et les remaniements induits sont dans certains cas très profonds et laissent peu ou pas de liberté à la personne touchée. De souffrir d’anorexie mentale, un glissement progressif s’opère pour aboutir à « devenir anorexique ».

Différents soins et thérapies peuvent s’envisager, de manière individuelle et/ou groupale, au plan psychologique comme au plan psycho-corporel ou bien diététique.
La personne touchée, majeure, va devoir s’investir dans son suivi et il s’agit là d’ailleurs d’une condition nécessaire au succès de la démarche de soins.

Là encore, il va s’agir d’adapter les soins aux symptômes en présence et aux ressources thérapeutiques locales disponibles. En tout état de cause, l’existence d’un réseau de proximité (niveau 1) pouvant associer par exemple un psychiatre, une diététicienne et une psychologue, fondé sur des échanges réguliers, permet d’aborder les soins dans de meilleures conditions.

Les soins spécialisés vont davantage se focaliser sur les symptômes et s’inscrire généralement dans un suivi ambulatoire (par des consultations) ou en hôpital de jour avec une prédominance du cognitivo-comportementalisme (1a, 1b ou 2).

Dans certains cas (échec du suivi ambulatoire et en hôpital de jour, chronicisation ou majoration des troubles, …), un projet d’hospitalisation à temps plein peut s’envisager dans le cadre d’une démarche concertée et sous-tendu par un contrat de soins lui-même reposant sur des objectifs précis à atteindre. Les moyens thérapeutiques nécessaires pour mener à bien de tels programmes de soins sont encore peu développés au niveau national et à fortiori au plan régional.
Adapter les soins aux symptômes en présence, à leur durée d’évolution et au gré des professionnels, réseaux de proximité et ressources hospitalières disponibles. En outre, nécessité de mettre en œuvre graduellement les ressources thérapeutiques (du niveau 1 au niveau 3).